Différentes, mais pas totalement. [Donna]

Je ne sais pas si revenir dans les cascades était une bonne chose, mais mes pas m’y avaient reconduit. Dire que j’étais dans un état parfait était un parfait mensonge. Smith était là. Il m’avait trouvé et bien que je devais fuir, que je voulais le protéger, que je ne devais pas être heureuse de le revoir, car je l’avais quitté, le revoir m’avait du bien, autant que ça m’avait détruite. C’est insensé de voir à quel point une personne peut vous faire autant de bien que de mal. Il n’avait rien demandé, il m’avait rencontré et avait subi tout ça. Pourtant, je voyais, parfois, qu’il me cachait quelque chose, mais qui étais-je pour le blâmer de garder des choses pour lui ? Ça n’était pas bien, nous nous cachions des choses et pourtant, nous étions forts.
Comment avais-je pu laisser ma vie se détériorer ainsi ? Comment avais-je pu tout laisser se briser sans réagir ? Smith ne me pardonnerais jamais d’être perdue en route et de l’avoir abandonné.
Les écouteurs dans les oreilles, je marchais, je regardais, je profiter de cet instant de solitude parfait. J’avais besoin de me poser les bonnes questions, mais non, ça ne serait pas aujourd’hui visiblement. Alors que j’étais à quelques mètres des cascades, maladroites comme pas possible, je venais à m’écraser sur le sol, mains en avant pour me protéger. Je n’eus pas blessures majeures, si ce n’est des écorchures à mes mains. Je me relevais en grimaçant, j’étais une idiote. Les larmes me montaient aux yeux, j’en avais tellement marre de moi.
Je me relevais pour aller laver mes mains dans l’eau et lorsque j’avançais, je vis une jeune femme. Encore une ? J’avais tellement peur que ça recommence comme la dernière fois, que ça soit presque pire au final… Je ne lui adressais pas un regard, j’avais trop peur. J’approchais de l’eau, m’accroupit et les commença à laver mes doigts.
- Je ne vais pas rester longtemps. Je ne vais pas vous déranger… Ne vous occupez pas de moi.

Ses yeux… Lorsque je relevais le regard vers elle, je fus perturbée par ses yeux. Cette couleur, je la connaissais, je l’avais déjà vu. J’avais plongé mon regard tant de fois dans des yeux rouges sang comme les siens. Je restais quelques secondes perdue dans son regard avant de reporter mon attention sur mes mains. Comment se pouvait-elle qu’elle ait le même regard que Smith ? Etaient-ils de la même famille ? Etait-elle sa nouvelle ? Je ne sais pas pourquoi j’en vins à penser ça, mais ça me passa dans la tête. Je ne pensais pas possible, pourquoi serait-il venu ici pour me voir s’il avait une autre dans la vie. J’avais, au fond de moi, l’envie qu’il y ait encore une chance pour lui et moi. Je voulais une chance après l’avoir quitté…
Cette jeune femme, bien que joli me faisait froid dans le dos. Elle ne me paraissait pas des plus agréables. IL y avait quelque chose qui me terrifiait. Bien qu’elle me dise que je ne la dérangeais pas, je ne voulais pas m’éterniser. Elle se rapprocha de moi tandis que j’enlevais les dernières gouttes de sang de mes mains et entreprit de les sécher à l’air libre. Je m’apprêtais à partir lorsqu’elle me questionna. Sa question eut le don à la fois de m’énerver mais aussi de me terrifier un peu plus que je ne l’étais.
- Une fille dans mon genre ? Et je peux savoir quel genre je suis ?
Je grimaçais, mais elle n’avait pas tort. Je n’aurais pas dû être seule dans une forêt que je ne connaissais pas aussi bien que celle de mon pays.
- Pourquoi toujours croire au danger ? Alors que c’est la main de l’homme qui détruit tout.
Je lui adressais un regard mi tenace, mis apeuré. Je voulais lui montrer que sa présence ne me faisait pas peur, mais visiblement, c’était totalement le contraire.
- Les bêtes ne sont féroces que si on les énerve. Il faut savoir écouter ce que chaque personne, chaque être vivant nous dis.
Bien que je tente de donner le change, je fis quelques pas en arrière, je voulais m’éloigner d’elle. Je n’aimais pas ses paroles ni sa façon d’être. Elle avait tellement de sous-entendus dans ses paroles.

Je n’aimais pas son regard sur moi. Je n’aimais pas l’aura que je ressentais d’elle. Elle me rendait extrêmement mal à l’aise, mais j’étais loin d’imaginer qui j’avais en face de moi.
-En général dans une forêt, on y trouve plutôt des chasseurs. Et pour la plupart, bien qu'ils soient bien équipés, ils finissent par ne jamais revenir. Cela ne t'ai jamais arrivé de penser que tu pouvais être une cible ?
Je ne put que sourire en l’écoutant. Une cible de quoi ? D’un chat sauvage ? D’un oiseau moqueur ?
- Je ne suis pas occupée, mais j’ai l’habitude des forêts. J’y allais souvent, avant.
Mon regard s’assombrit en parlant de mon ancien chez moi. Diantre que mon pays et mes forêts me manquent. Ça n’est pas croyable qu’un endroit, une place, un moment dans une vie nous manque à ce point. J’avais encore plus envie de partir qu’avant. Lorsque j’entendis son rire, celui-ci me fit froid dans le dos. J’avais presque peur d’elle, à force. J’avais l’impression qu’elle ne me disait pas tout. Que ses pensées étaient quelques peu glauques. Et ses yeux… C’était perturbant, car ils étaient similaires à Smith, mais il n’y avait rien d’identique. Smith était bon, il avait toujours été merveilleux et le rouge de ses yeux m’apaisait. Là, c’était pire que tout, c’était mauvais. Elle ne semblait tellement pas attentive et douce. Elle n’avait rien de similaires avec Smith. Elle me demandait comment je m’appellerais, ou du moins, elle m’intima, presque l’ordre, de me présenter. De prime abord, je reculais d’un pas, mais je décidais de faire face. Je l’avais décidé en venant ici. Faire face à tout.
- Qu’est-ce qui te fais croire que je vais me présenter à quelqu’un qui me parle ainsi ? Qui tente de me faire peur en parlant de cet endroit ?
J’avais peut-être fait une erreur, mais à quoi bon si elle n’avait rien d’aimable. Je ne supportais pas que l’on me voit comme une enfant, comme une moins que rien, comme quelqu’un de tout à fait inexistant et nulle. J’étais plus que ça, c’était ce que je voulais croire. Peut-être que mon père avait raison. Je n’existais pas et je n’étais rien.  

Peut-être avais-je mal pris ses paroles, mais elle ne m’inspirait pas confiance, il fallait que je parte. J’avais trop attendu d’ailleurs. Il y avait quelque chose, chez elle, de mauvais, je le savais, je le sentais. Si seulement, je n’étais pas venue, si je n’étais pas tombé, si je n’étais pas parti… Si je n’avais pas laissé Smith là-bas… SI je n’étais pas partie, je serais encore dans ses bras, ma tête au creux de son épaule à profiter de lui, de sa fraicheur. Certes, je ne me serais pas rendu compte à quel point, je l’aimais, à quel point, il était ma vie et ma survie. Pourtant, maintenant, tout était presque brisé et c’était entièrement de ma faute. Non, ça n’était pas de ma faute, pas que. Mon père… C’était lui qui avait tout brisé. Ce satané vieux type qui revenait me hanté.
Mon regard s’assombrit, devenant humide. J’avais mal de me souvenir de tout ça. C’était une douleur atroce dans mon cœur, celui-ci qui s’emballait à force de me remémorer de tout ce qui me faisait peur. La voix de cette donzelle, me ramena à la réalité.
- Donna. Je m’appelle Donna.
Pourquoi avais-je répondu ? C’était sorti tout seul. Presque comme dans un claquement de doigt, j’occultais la présence de l’autre personne et me mis en position tailleur en face de l’eau. Pour moi, cette femme n’était rien et je n’allais pas fuir, je n’allais pas avoir peur plus longtemps. Elle disait ne pas avoir fait quelque chose de mal visiblement. Je glissais ma main dans l’eau, la faisant bouger lentement, bercer par le clapotis de l’eau. C’était agréable, si on oubliait le corps derrière moi.
- Tu penses qu’on a le droit à une seconde chance ? Que parfois, la vie nous octroi une chance de nous rattraper où de reprendre à zéro ?
Je ne savais pas ce qu’il m’avait pris de la questionner, mais elle était là, autant qu’elle fasse quelque chose d’utile pour changer.

J’entendis son nom et comme réponse, je lui accordais un sourire en coin. L’animosité semblait s’être rabaissée dans l’atmosphère et j’étais contente de ça. Nous ne savions de nous deux que nous avions un prénom, étonnant n’est-ce pas ? Un caractère défiant, quelque chose à cacher. Elle était derrière moi et sans doute parce que c’était une femme que je n’en avais pas peur. Que pouvait bien me faire une femme, surtout de cette carrure et de mon âge ?
Elle aurait pu partir après ma question, mais je sentais encore sa présence derrière moi. Non pas que j’avais besoin d’être seule au final. Seule me torturait tellement qu’avoir de la compagnie, même si c’est pour une dispute, une défiance, ça fait du bien, ça change les idées.
Le fait qu’elle soit une inconnue me permettait de lui parler, plus ouvertement qu’à l’accoutumée. Une inconnue ne juge pas, ne mets pas et réponds.
-Oui et non. En faite, la chance ne s'accorde pas à tout le monde. Elle doit se mériter. Pourquoi ? Tu as mangé du boeuf et maintenant tu culpabilise ?
Je lui adresse un rapide regard avec un sourire furtif sur les lèvres.
- J’aime trop la viande pour culpabiliser…
Puis, mon regard se porta à nouveau sur l’eau où je méditais ses paroles. Se mériter ? D’une certaine manière, je ne mérite pas de deuxième chance. Je ferme les yeux quelques secondes pour revoir le visage de mon tendre amour et mon montre de père. L’un comme l’autre me précisait que je ne méritais pas de deuxième chance.
- Et comment mérite-t-on une deuxième chance ? Comment peut-on reprendre notre vie quand nous avons fait tellement de mal autour de nous ? Comment pouvons-nous vivre normalement alors qu’on a fait quelque chose que l’on regrette tellement ?
Je ne savais pas pourquoi je lui demandais son avis à elle, encore moins pourquoi j’arrivais à mettre des mots sur mes douleurs et interrogations. Pourtant, le fait de savoir que je ne la rêverais plus me fit du bien.
- J’ai l’impression que l’on ne peut pas changer de vis, comme ça, pas quand le cœur est noir…

-On apprend à vivre avec ses erreurs, c'est tout. La plupart tiennent le coup et vont de l'avant en essayant de réparer les morceaux et d'oublier, quant à d'autres personnes, elles ne trouvent malheureusement qu'une seule solution, la mort. De plus, on ne peut changer le passé.
Apprendre à vivre avec ses erreurs ? Ne l’avais-je pas déjà fait ? J’étais partie une fois et j’avais trouvé ma vie dans le creux des bras de Smith. Ses paroles étaient lourdes de sens et dans mon cœur, dans mon âme, ça me touche tellement. Elle avait raison, le passé ne peut être changé et si je ne voulais pas avancer, c’était la mort. Une fois encore, elle avait raison. J’y avais pensé souvent, à la mort. Surtout depuis mon départ d’Irlande. Je voulais le protéger, mon Smith, et pour ça, pour le sauver de mon père, pour ennuyer encore plus mon géniteur, ma mort serait une solution. Cette option serait la dernière, pourtant, j’avais l’impression qu’elle était très proche de moi.
Sa voix résonna à nouveau, pour me sortir de ma torpeur et de mes envies morbides. Elle me posa la question et c’est tout naturellement, sans détour que je répondis.
- J’ai…un géniteur violent. J’ai trouvé quelqu’un…O combien fabuleux avec moi, un amour, un... l’être le plus merveilleux qui m’est été donné de rencontrés et je l’ai quitté parce que mon père m’avait retrouvés… C’est sans doute rien, mais… Je me retrouve seule, loin de chez moi et l’idée d’avoir blessé cet homme me détruit de l’intérieur.
Mettre des mots sur une douleur agrandit celle-ci plus qu’elle ne la soigne, mais que pouvais-je faire d’autre ? Je devais tellement semblait stupide, mais que pouvais-je dire d’autres ? C’était la vérité, j’avais sans doute était trop honnête, mais à quoi bon mentir parfois ?
- J’ai parfois envie de tout oublier. Je suis venue ici pour changer de vie et au final, ça ne change rien. Je sais que ça peut paraitre idiot. De se sentir coupable pour ça, de se ronger les sangs, mais…
Je retiens un sanglot en imaginant le visage de Smith.
- Il a la même malformation que toi, pour les yeux. Je les ai toujours adorés, ses yeux rouges…
Malformation. Elle devait sûrement comprendre que je ne savais rien sur elle, ni sur ce qu’est Smith.

-Avec le temps on fini par oublier. Pas totalement, mais juste un peu. Quant à ton ami.. Pourquoi n'as-tu pas essayé de le retrouver ?
Je lui adresse un rapide regard avant de fuir ses yeux et regarder l’eau présente devant nous.
- Je veux oublier, toute ma vie, tout ce que j’ai vécu, mais pas lui. Je refuse d’oublier qu’il existe.
C’était aussi une vengeance contre moi, le fait de ne pas pouvoir m’en remettre, mais aussi parce que je refusais d’oublier quelqu’un d’aussi bon envers moi. Quand elle me demanda pourquoi je n’avais pas tenté de le retrouver, je décidais de continuer dans cette honnêteté qui était mienne à l’instant.
- Je l’ai quitté il y a quelques jours. Je suis partie sans lui dire pourquoi, sans lui adresser un mot un au revoir. Je sais que je lui ai fait mal, même si, d’une certaine manière c’était pour le défendre de mon géniteur. Je ne veux pas qu’il me retrouve car je veux qu’il finisse sa vie un tant soit peu heureux.
Je ne sais pas si j’ai raison ou non de penser ça, mais je n’ai pas le choix. J’ai pris la décision de quitter Smith pour nous protéger, lui et moi, et je ne veux pas revenir vers lui, bouche en cœur comme si de rien n’était. Je dois passer ma vie à vivre sans lui, à espérer qu’il me pardonne où qu’il refasse sa vie. A continuer de fuir mon père où justement, de céder à ce monstre et finir par mourir. Seule.
- Je veux juste qu’il aille bien et qu’il ne soit pas en danger.
Je fermais les yeux en prenant une grande respiration. Il fallait que je change de sujet, sinon, j’allais craquer. Encore.
Tu es ici depuis longtemps ?
Elle ne m'avait pas répondu, pourtant, je voulais savoir. Je n'avais jamais posé de réelles questions à Smith, elle, je ne la connaissais pas, je n'avais rien à craindre.
- Cette couleur. Ce rouge. Cette malformation...On sait d'où ça vient ?

Je lui lançais un regard qui se voulait mauvais. Je n’ai pas le fond méchant, alors la colère… Je n’avais pas à entendre de telles bêtises, ni a les supporter.
- Je ne dépends pas de mon père ! Si je l’ai quitté, ça n’est pas pour rien ! Je ne dépends pas de mon père. J’ai quitté l’homme que j’aimais pour lui éviter de connaitre mon géniteur ! Ca n’est pas de la dépendance !
Je serrais les poings. Soucieuse et énervée. Je fermais les yeux, tentant de me calmer. C’était difficile d’entendre ça, surtout que ça n’était pas la vérité. Pourtant, sur un point, elle avait raison. Tout le monde a le droit au bonheur et je l’avais. Je l’avais dans les yeux de celui qui avait fait de moi quelqu’un de spécial. Je n’aurais jamais dû partir, pas sans lui dire. Non, je n’aurais pas dû le laisser.
Elle aussi, elle venait d’arriver ici. Ca nous faisait un point commun. Elle qui semblait quelqu’un de froid, arrogant et néfaste, se retrouver quelqu’un de compatissant à sa manière. Lorsqu’elle me parla de ses yeux, je réprimais un soupire. J’aurais voulu qu’elle ait cette malformation qu’avait Smith. J’aurais voulu qu’elle m’explique. J’aurais voulu tant de chose.
- Des lentilles ? Oui…C’est assez joli.
Chez elle, je n’aimais pas. Cette couleur me rappelait trop Smith et c’était insupportable.
- Tu fais quoi dans la vie ?
Je ne voulais pas m’en faire forcément une amie, mais je voulais qu’elle me parle. Je voulais oublier, l’espace d’un instant et si c’était discuté avec une parfaite inconnu, pourquoi pas ? Il y avait du positif de parler avec les gens, on pouvait en apprendre beaucoup. Je ne savais pas ce qu’elle pouvait m’apprendre, mais elle était différente de moi, de ce fait, j’avais des choses à apprendre.

Laisses filler…Bouffer mentalement… J’avais laissé filer Smith et j’étais plus que bouffer. En l’écoutant, s’en était trop. Je me suis mise à pleurer. Mes mains sur le visage, je tentais de cacher l’inévitable. Je me recroquevillé sur moi pour tenter de calmer ce qui se passait en mon fort intérieur. Je criais de rage dans ma tête. J’étais en colère contre moi. Elle avait d’une certaine manière, raison. Je n’aurais pas du réagir ainsi. Si j’avais craqué c’était de l’écouter, d’imaginer Smith mort mais dans mon état, l’écouter parlé ainsi de ce qu’elle avait visiblement vécut m’avait abattue. Il me fallut quelques minutes de silences pour m’en remettre. Je tremblais de froid, de peur, de rage. Toutes ses émotions qui s’entremêlaient dans ma tête, dans mon cœur, dans mon corps.
-Rien de passionnant à raconter sur moi. Je traîne un peu partout. Plus généralement dans la nature.. J'aime bien les endroits mystérieux et solitaires. Et plus particulièrement le danger.
En l’écoutant, je ne pus que sourire. Elle avait un tempérament de feu et avait une droiture dans le regard. Ce que je n’avais pas moi-même. Elle semblait être une version améliorée et plus téméraire que moi. Je devais bien lui admettre ça. Elle semblait folle, mais que dire sur la folie ? Ne sommes-nous pas le fou de quelqu’un d’autres ?
-Flippant, non ? Et toi, alors ? Parles-moi un peu plus de toi. Tu travailles ? Tu voyages ?
Flippant ? A mes yeux, pas vraiment. Je la trouvais fascinante.
- Je suis mannequin. Enfin, je l’étais en Irlande. Là, je suis à la recherche de contrat et j’essaie de me reconstruire… Je n’ai pas réellement voyagé, si ce n’est de quitter ma vie à ici.
Je me relevais et sécher mes larmes restantes.
- Je pense qu’il faut que je parte… Vous avez mieux à faire que de m’écouter pleurnicher sur ma vie pathétique.

A sa question sur le mannequinat, je la regardais un peu en retrait. Qu’est-ce que je pouvais bien lui dire ? Après quelques secondes de réflexion, je décidais de lui dire la simple vérité, je n’avais pas envie de mentir…
- A dire vrai, c’est comme ça que j’ai rencontré mon ami. Il m’a proposé cette vie et à l’époque, j’étais serveuse, c’était un moyen de trouver de l’argent…
Parler de lui faisait mal, mais je faisais avec, parce que je n’avais pas réellement le choix, alors je prenais sur moi, parler ne me faisait rien.
- Ça ne m’attire pas réellement, mais c’était un moyen de m’exprimer et de supporter mon corps, mais aussi, d’être avec lui. Il m’avait donné une chance de m’en sortir alors autant ne pas refuser.
Un léger sourire sur mes lèvres. Même si c’était terminé, c’était la plus belle période de ma vie, alors même si ça me déchirait le cœur, ça me faisait du bien de penser à lui et à ce que j’avais perdu.
- Je suis un peu de ton avis, le monde du mannequinat est moche. Les femmes sont dures et hypocrites, nous, nous ne sommes que des bouts de viandes. J’avais de la chance d’être soutenue.
Je lui adresse un énième sourire, petit, mais franc.
- Tu devrais essayer, c’est assez drôle finalement. Surtout quand tu es différente des autres…

Spoiler:

Pourquoi lui avoir demandé, du moins proposé ça ? Parce que j’ai besoin de quelqu’un dans ma vie, j’ai besoin d’une vie sociale et elle ne ressemble pas à ces mannequins superficiels. J’avais aimé ce moment avec elle, j’avais aimé sa compagnie. J’avais aimé cette différence.
Je lui adressais un sourire quand elle refusa. Je m’y attendais, c’est vrai, mais qui ne tente rien, n’a rien, non ? Elle était honnête, j’aimais ça. J’aimais ce qu’elle était et ce que je n’étais pas. Elle n’était pas du genre à se faire marcher sur les pieds, elle était droite dans ses bottes et semblait forte. Je pense avoir une certaine force en moi, mais pour le reste…Je ne lui ressemble pas, mais j’envie ce qu’elle est. J’aimerais avoir certain trait de sa personnalité.
Lorsqu’elle me demanda ce que je comptais faire maintenant, mon regard devint plus sombre, plus triste. Ce que je comptais faire ? Je n’avais aucun nouveau projet maintenant, peut-être trouver des contrats, par-ci par-là, mais sinon, aucune idée, parce que je n’avais jamais rien fait de ma vie. C’était à Smith que je devais ma survie et sans lui… Mon but avait été d’être avec lui jusqu’à la mort et maintenant… Maintenant, c’était fini et ma vie aussi par la même occasion.
- Je ne sais pas…Je m’étais toujours dit que je finirais ma vie avec lui… Maintenant, je ne sais pas, je n’ai plus de repères, je suis seule et j’ai peur…
J’avais été sincère, ça n’était peut-être pas ce qu’elle voulait entendre, mais c’était ce que j’avais besoin de formulé. A nouveau, les larmes vinrent peuplés mes yeux, mais je ne voulais pas qu’elles coulent, elles avaient trop coulées.

-Si tu pouvais effacer n'importe quel souvenir, lequel choisirai-tu en priorité ?
Je relevais la tête, les yeux dans le vague. Effacer des souvenirs ? Ce que je pourrais choisir ? Je savais en mon fort intérieur que ça n’était pas possible. Effacer le passé… Seul un miracle le peut. Seul la magie le peut. Et la magie, ça n’existe pas, pas vrai ?
Mais, si j’avais le choix, juste un, juste une fois, qu’est-ce que je pourrais changer ? Je revoyais tous les moments désastreux que mon père m’avait fait enduré. Le problème majeur de ma vie, après tout, c’est lui.
- S’il était mort, j’aimerais oublier mon géniteur. Tant qu’il est vivant… Je risque gros…
Je parlais, du moins, pensais à haute voix. C’était une boutade, même si quelque chose dans sa voix semblait terriblement sérieux. Effacer, c’était repartir à zéro et ça, j’en avais besoin. Je fermais les yeux, un sourire des plus triste sur les lèvres. Ma voix était basse et lasse. C’était terrible de penser et dire ça à haute voix.
- Si je pouvais…Je voudrais effacer Smith…
Dire son prénom, enfin, réussir à prononcer, même de façon plus que basse était une torture, mais oui, c’était ça que je voudrais. Si je pouvais effacer un souvenir, j’effacerais Smith de ma mémoire. Non pas que je ne l’aime pas, non au contraire. Non pas que je veuille vraiment l’oublier, mais si je le garde en tête, ma vie se terminera. Avancer alors que je l’ai laissé derrière ? Quel monstre suis-je donc…
- Oui…C’est lui que j’aimerais oublier…
Oublier deux ans de ma vie, mais surtout oublier la douleur que je ressens de l’avoir abandonné. Je l’aime et je m’en veux d’avoir compris ça trop tard. Sans doute que je lui aurais dit ce qui se passait dans ma vie.
Officialiser mon envie de l’oublier me fit plus mal que ce que je pensais. Je serrais les poings et tournais mon visage vers elle, dans un sourire tout aussi triste.
- Je te remercie pour ce moment. C’était…intéressant.
Je ne lui laissais pas le temps de répondre avant de lui tourner le dos et de m’éloigner. Je ne voulais pas paraitre impoli, je ne voulais paraitre encore plus stupide, fragile, faible que je ne l’étais.
Il fallait que je rentre chez moi, que je sèche mes pleures, que je tente d’avancer.