Rencontres. (Libre)

Le soleil était absent aujourd'hui. La pluie, guidée par le vent, était poussée en direction de la petite ville de Forks. Mais cela n'étonnait quasiment personne, tous les habitants étaient habitués à ce que les gouttes viennent tremper leurs vêtements, les arroser et leur apporter un bon rhume.
Mais cela n'empêchait pas que les plus courageux sortent de chez eux. Pour travailler, pour aller faire les courses, ou tout simplement pour se promener. Les enfants sautaient dans les flaques, au grand désespoir de leurs parents. En effet, l'enfance mouillait son pantalon et celui des plus âgés.
Parfois, on pouvait voir un chat traverser la rue rapidement, essayant de ne pas se retrouver avec le pelage trop mouillé. Malheureusement, lorsqu'il trouvait refuge sous un abri-bus, ou bien dans une maison, les gouttelettes étaient accrochées à sa fourrure. Puis l'animal se cachait et nous revenions à la monotonie.

Mais en forêt, le décor était différent. Si en ville, la pluie donnait l'impression que ce serait une mauvaise journée, le spectacle forestier était tout autre. L'eau qui ruisselait sur les feuilles des grands arbres venait glisser sur le sol et permettre à la flore de vivre. Les animaux étaient pour la plupart cachés, sauf quelques renards qui s'aventuraient chasser.
De temps à autre, un oiseau décollait de son nid pour attraper une proie et se nourrir. Un bruit de plumes se faisait alors entendre, ainsi que celui du déplacement d'air. Et, derrière une grande baie vitrée, une femme observait cette merveilleuse Nature avec un sourire figé sur son beau visage.
Ses cheveux blonds vénitiens descendaient en cascade sur ses épaules et dans son dos. Sa peau était blême, trop blanche pour être humaine. Mais elle vivait à l'ombre, comment prendre des couleurs dans ces conditions ? Elle avait des lèvres rouges, masquant des dents blanches. Et ses prunelles dorées confirmaient son anormalité. Cette femme, c'est moi.

Plongée dans ma contemplation du monde extérieur, j'étais aussi immobile qu'une statue de marbre. Seul mes yeux qui suivaient le mouvement des vies trahissaient ma propre vivacité. J'étais comme captivée par ce qui se passait face à mon, bien que ce tableau idyllique quelque peu mouillé ne soit pas le premier que j'ai vu.
Depuis qu'Edward et Alice étaient revenus de chez les Volturis, ils n'étaient plus les mêmes. Alice, d'habitude si vive et énergique, se refermait sur elle. Et Edward, au début en adoration devant sa femme et sa fille, était devenu froid et distant des deux. Je savais bien que ce n'était pas simple pour eux, même si je ne pouvais pas imaginer ce qu'ils avaient vécu.
Cependant, leur réaction devenait comme un fardeau pour toute la famille. Renesmée se sentait coupable, puisque son père et sa tante étaient venus pour la sauver. Bien que je ne l'apprécie pas spécialement, j'étais heureuse de voir que le modificateur était là pour lui changer les idées et prendre soin d'elle.
Je décidais moi aussi de me changer les idées. Il pleuvait, je pouvais aller en ville. J'attrapais une veste en cuir noir et partis en direction du garage. Une fois cela fait, je montais dans ma luxueuse Ferrari jaune et pris le chemin du centre-ville. J'aurais pu y aller en courant, mais cela aurait attiré l'attention de tous.
Sur la route, des gens me saluaient de leur porte ou du trottoir. Je répondais vaguement d'un sourire en continuant mon chemin. Je me dirigeais vers un café et entrais. Dès que la porte fût ouverte, l'odeur du sang humain m'assaillit les narines. J'avais soif, j'irais chasser en sortant. C'était supportable. Je m'assis à une table, éloignée des gens, et commandais une bière.
Le serveur ne tarda pas à me l'apporter, non sans avoir essayé de me draguer d'un "pour vos beaux yeux". Ce à quoi je répondis sans sourciller ni être méchante :

Je vous remercie, mon mari me le dit souvent.

Il reparti bredouille. Je semblais jeune et pourtant, j'étais de nombreuses fois mariée au même homme. La gente masculine ne semblait pas s'en douter, malgré la fine bague qui traînait à mon annulaire. J'étais fidèle depuis des dizaines d'années, je connaissais l'art de la séduction et je savais y répondre avec grâce. Je baladais mon regard dans le café, sans but précis.

J'avais gentiment éconduit le serveur dragueur avec une phrase dite calmement et avec un beau sourire. Je n'étais pas méchante, mais fidèle. Après tout, Emmett était l'homme idéal, je n'allais pas me laisser draguer par le premier autre venu, et encore moins avec autant de... Enfin, aussi peu de classe, quoi.
C'était impensable pour moi d'aller voir ailleurs. Si les humains arrivaient à laisser tomber une personne pour une autre, j'étais tout bonnement incapable de me détacher de celui qui avait volé mon coeur. Mon Emmett, mon mari. Décidément, je ne comprendrais pas ces humains stupides.
Mes doigts s'enroulèrent autour de la tasse brûlante, et je frémis à ce contact. Je la portais à mes lèvres, consciente que je risquerais de régurgiter ce que j'avalais quelques heures après. Je me délectais de ce breuvage, avant qu'une voix ne me sorte de ma torpeur dans laquelle je me plongeais :

Bien dit !

Je me retournais sur ma chaise. Mon voisin de derrière, un jeune homme sûrement plus jeune que moi, riait de la façon dont je m'étais exprimée face à ce serveur. Je ne cachais pas ma surprise, non pas parce qu'il riait, mais plutôt pour un truc légèrement plus déplaisant, dont je devrais lui faire part.
Ma politesse me venait de mon ancien milieu. Avant d'être celle que j'étais aujourd'hui. Je venais d'un milieu bourgeois, riche et respecté. J'avais eu de solides bases en éducation, et surtout dans la façon de me tenir en société. Ce n'était pas correct de se tenir voûté, ou de mettre le coude sur la table.
De la même façon, c'était impoli de couper la parole, ou de se mêler d'affaires qui ne nous concernaient pas. J'étais justement en train de parler au jeune homme, d'un ton plutôt amical, même si mes mots ne semblaient pas vraiment gentils :

On ne t'a jamais dit que c'était impoli de se mêler des conversations des autres ? Si tu es seul, joins-toi donc à moi, nous pourrons discuter.