Une aide vampirique

Je refusais de le croire. Je refusais de croire qu'elle puisse être partie. Et pourtant, son absence était bien réelle et la douleur qu'elle laissait dans mon coeur mort me rappelais sans cesse l'absence dont j'avais fais preuve ces derniers temps.
Cloitré dans mon bureau, je me laissais dépérir. Oh biensûr, la fabuleuse vie dont j'étais affublé ne pouvait s'étioler au contraire de mon esprit, qui lui, s'en allait vers un au delà incertain.

Le regard vide, je fixais de mes yeux noirs la myriade de tableaux qui ornaient les murs de mon bureau. Quelle belle ironie. Mon passé raconté au travers des oeuvres bibliques. Sans lien, aucun, ces tableaux représentaient pourtant beaucoup pour moi. Un en particulier. Ce tableau d'un grand maitre trop heureux d'immortaliser la beauté de deux anges. Il trônais là, bien au dessus des autres, en valeur. Si haut que l'on eut cru qu'il pouvait toucher le ciel. Le regarder me redonnait de doux souvenirs mais me plongeait également dans une tristesse et un désespoir infini.

Tout était de ma faute si l'ange de perfection présent à mes côtés sur cette toile s'en était allé, lassé par mes absences. J'avais délaissé ma famille pour m'enfermer dans le travail, refusant de voir le mal présent, refusant de croire en ce qui venait de se passer. J'avais agis bêtement, humainement. J'avais cédé à la douleur de voir cette famille se déchirer sous mes yeux. Un long râle de désespoir s'échappe d'entre mes lèvres. Seule Renesmée pouvait l'entendre, et encore, elle passait le plus clair de son temps dans sa chambre, attendant son prince charmant Jacob. Lequel était bien le seul à redonner un peu de couleur à cette maison, sans mauvais jeu de mot.

La villa demeurait vide. Personne ne désirait rester dans cet endroit de souffrance, seul moi demeurais cloitré dans mon antre de paix, enfin, ce qui fut mon antre de paix. Alice avait disparu, Jasper, désespéré, avait fuit, emmenant Bella dans son sillage. Rosalie et Emmett étaient bien les seuls à rester encore sous ce toi, couvant Renesmée comme une seconde mère et un second père, puisque même Edward avait fini par s'en aller. Oh, il hantait encore la villa de ses pas sombres, mais son esprit était ailleurs, bien loin de tout cela.

Et moi, patriarche de ce désastre, je ne pouvais rien, impuissant que j'étais. Je ferme les yeux, laissant échapper un nouveau soupir. J'enviais les humains qui arrivaient si facilement à se débarrasser de leurs tourmentes. Quelques larmes libératrices et le mal s'en était allé. Nous avions beau être immortels, parfaits, nous demeurions esclaves de nos sentiments, prisonniers de ce désespoir qui nous collait à la peau sans que l'on puisse s'en départir.

Quelques coups frappés à la porte de la villa me tirèrent de mes songes. Peu désireux de bouger, je me levais tout de même, meus par une habitude de longue date. Ainsi, je sortis de mon antre, antre qui m'avait gardé en son sein pendant plusieurs semaines. J'avais finis par m'éloigner de l'hôpital, la douleur était telle que je n'arrivais plus à me concentrer sur ce que je faisais. Étonné de voir le grand médecin Cullen prendre des congés pour burn out, le reste du corps hospitalier s'en donnait à coeur joie pour délivrer moult ragots à mon propos.
Doucement, comme rouillé par ma longue immobilité, je me dirigeais vers cette porte qui n'avait plus été ouverte depuis un moment. Etrangement, j'espérais que ce soit elle qui ai frappé. Mais je savais que cela était impossible. Elle était parti...

Mes yeux onyx rencontrèrent ceux de Jacob et un léger sourire vint naitre sur mon visage. Il venait voir ma petite fille et redonner un peu de couleur à cette villa morne. Mais très vite, ce sourire fana lorsque, ouvrant la porte, j'aperçus une autre personne à terre, se tordant de douleur. Je lançais un regard surpris au jeune homme devant moi avant de me précipiter vers l'inconnu, ne remarquant pas la blessure du loup.

Dérouté par de tels événements, je m'appliquais à prodiguer les gestes de premiers secours sur cette pauvre personne qui semblait ne même pas avoir seize ans.

Jacob, que se passe-t-il ? demandais-je d'une voix qui frôlait l'autorité.

Je posais une main sur l'épaule du garçon, tentant de comprendre le mal qui l'envahissait. Mais je n'arrivais pas à comprendre cette odeur qui émanait de lui. Ou plutôt si, je la connaissais parfaitement puisque je l'avais déjà rencontrée à deux reprises. Un hybride. Sans lui demander son consentement, je le pris dans mes bras et m'affairais à le rentrer dans la villa qui, bien que vide, restait tout de même chauffée. Je le posais sur le divan et apposais une main glacée sur son front.

Où as-tu mal, mon garçon ? lui demandais-je d'une voix douce, paternelle et pourtant professionnelle.

Mon regard devait trahir mon inquiétude face à tant de souffrance. Bien que j'eusse côtoyé la douleur pendant de longues années, je n'arrivais pas à m'y habituer et savoir qu'un de mes patients était condamné me minait toujours le moral.

Jacob, peux-tu aller chercher ma trousse de soin dans mon bureau, s'il te plait ?

J'espérais seulement qu'il ne remarquât pas le désordre évident sur mon bureau ni même les traces d'une douleur que je ne pouvais réprouver. L'acharnement dont j'avais fais preuve avait fini par donner raison à quelques uns de mes meubles qui ont tout simplement rendu l'âme. Des livres étaient donc éparpillés près du cadavre d'une petite étagère.

Tout en écoutant Jacob, je m'affairais à trouver la moindre blessure. Rapidement, l'odeur du sang, que j'avais occulté malgré moi, vint me chatouiller les narines. Je me fige. Mordu. C'est tout ce qui me traversait l'esprit en ce moment. Tant perturbé par cette information, je ne sens pas que la température ambiante chute rapidement.

Mon regard noir se pose sur l'âme soeur de la petite fille. Sans dire un mot, je lui demande de m'aider à le contenir, à l'immobiliser sans pour autant le brusquer. Les mots hachés que sortaient le pauvre enfant me laissaient imaginer les horreurs qu'il avait vécu. Je ne savais pas quel âge il avait, mais je ne pouvais oser imaginer que l'on puisse torturer un enfant.
Je me tourne à nouveau vers lui, le regard doux bien que triste. Ressentirais-je une pointe de fureur lorsque le nom des Volturis fut prononcé ? Sûrement. Je n'avais pas les idées très claires malgré le fait que mes gestes soient rapides et précis. L'odeur du sang, bien que dilué par l'odeur du modificateur, n'aidait en rien à ma concentration. J'étais affamé, littéralement.

Les évènements actuels me coupaient l'appétit et cela faisait plusieurs semaines que je ne m'étais plus nourrit. J'évitais donc de croiser Renesmée trop souvent car bien qu'elle soit hybride, le sang coulait dans ses veines. C'est avec difficulté que je pansais les blessures de ce pauvre enfant tentant, par des gestes doux, de calmer sa terreur.

Tu n'as rien a craindre, dis-je ensuite, réellement peiné de le voir ainsi terrifié face à moi. Il est clair que je n'étais pas dans la meilleure de mes formes. Je pouvais inspirer la peur. Car, en cet instant, j'avais plus l'air d'être un loup affamé qu'une personne civilisée et rassurante.

Je me redresse et me recule, trop affaibli pour réellement me contenir face à ce monstre qui grondait en moi. Pourtant, je tente de garder prestance et confiance. Ce pauvre effrayé n'a pas besoin d'un monstre en plus dans ses cauchemars déjà bien remplis. Je me tourne vers Jacob, tout en espérant que cet enfant à peine adulte arrivera à calmer les terreurs de Nashoba. Je pose une main sur son épaule, le considérant plus comme un énième fils que comme le simple ami de la famille.

Que sont devenus ses poursuivants ?

Cependant, mes yeux se fixent sur le blessé. Un hybride peut-il survivre à une morsure de vampire ?

Jacob, il a été mordu, le venin coule dans ses veines et je ne sais pas s'il y survivra. Jamais encore je n'ai eu a faire à ce genre de situation et les maigres connaissances au sujet des hybrides ne mentionnent pas cela.

Je marque une pause, réellement peiné.

Je suis désolé, petit, dis-je à l'attention du gamin, mes compétences s'arrêtent là...

Je soupire et laisse retomber ma main le long de mon corps. Je n'avais pas pour habitude d'abandonner aussi vite. Mais le désespoir qui m'envahissait anéantissait toute envie de lever le mystère. J'étais... Ou plutôt, je n'étais plus moi même.

Je préfère garder un oeil sur lui, répondis-je en secouant légèrement la tête. Je soupirais, conscient de mon inutilité. Mon regard se détourna de la souffrance de cet enfant. Les souvenirs affluèrent, tous plus horribles les uns que les autres. Une personne normale serait devenue folle, mais j'avais réussis, grâce à elle, à garder un certain recul face à l'horreur des hommes.

Mais elle n'était plus là et désormais, toutes ces souffrances ,toutes ces horreurs affluaient en moi, me brisant comme si je n'étais fait que de verre. J'avais fermé les yeux et serré le poing. Mon attitude pouvait être interprétée comme étant de la soif. Ce qui était en partie le cas. Rouvrant les yeux, je reculais un peu plus, conscient que ma volonté s'étiolait peu à peu. A tout moment je pouvais céder face à la soif et tuer ces deux enfants, si facilement.

Jacob avait raison, j'aurais dû aller chasser. Mais je ne pouvais plus arpenter les bois sans que son souvenir ne me revienne. Ces moments de chasse à deux, de longues ballades et d'intimité dans cet endroit qui devint vite notre havre de paix. Tout ici me rappelait qu'elle n'était plus là. Étrangement, cet organe mort en moi me faisait mal. Je n'avais jamais eut à souffrir ainsi. C'était... viscéral.

Perdu dans mes pensées, j'écoutais à peine ce qu'il se disait entre les deux garçons. Cependant, mon regard se posa sur Nashoba qui semblait aller de moins en moins bien. Ignorant ma soif grandissante, je m'approchais de lui et posais, de concert avec Jacob, une main rassurante sur son front.

Le pauvre délirait et peinait à parler. Malgré mon ouie sur-développée, j'avais du mal à saisir ses paroles. Un nom, un seul retint mon attention. Kenshin. Mais il se pouvait très bien qu'il s'agisse d'une autre personne. Je ne relevais pas pour le moment. Il y avait plus urgent.
Légèrement dépassé par les évènements, je ne compris que bien trop tard que ce venin aurait pu être aspiré comme pour Bella. Mais, et de cela j'en étais sûr, si jamais j'osais approcher mes lèvres d'une goutte de sang, aussi infime soit-elle, je ne pourrais pas m'arrêter.

Il semble se calmer. Mais cela s'apparente plus au calme avant la tempête, et je ne m'y trompe pas. Le garçon fait place à un énorme loup gris. Surpris, je me relève brusquement sans pour autant montrer les dents. Il semble plus en souffrance qu'autre chose. Et cela se confirme lorsqu'il perd à nouveau connaissance.

Je regarde Jacob, l'air grave : J'ai peut-être une solution pour le soigner. Enfin... en espérant que le venin ne se soit pas trop répandu dans l'organisme...

J'inspire profondément, grosse erreur. Le feu dans ma gorge redouble malgré la puanteur des loups. Je serais prêt à les tuer si je ne fais pas très vite quelque chose. Je grogne, plus pour moi même.

Bella, continuais-je difficilement, a été mordue par un vampire. Jacob devait connaitre l'histoire. Il devait savoir ce qu'il s'était passé avec James. Enfin, je l'espérais. Edward a pu endiguer le venin en le lui retirant du sang. Dans l'urgence, il n'a pu faire cela qu'en suçant la plaie. Mais peut-être, dis-je avec une légère once d'espoir dans la voix, peut-être qu'en lui remplaçant le sang par celui d'un donneur...

Je secouais cependant la tête. Cela prendrais trop de temps et est trop risqué. Je grogne, énervé de ne pas savoir si les hybrides pouvaient survivre à une morsure de vampire ou non. Il me semblais que pour les loups, notre morsure était mortelle. A moins que ce ne soit pour les enfants de la lune... Je grogne de plus belle face à ce mur de mystères. D'ordinaire j'aurais sauté sur l'occasion pour approfondir mes connaissances mais, à l'instar du moment où Bella eut été enceinte, nous manquions de temps.

Agacé, je me mis à faire les cent pas, cherchant désespérément une solution qui n'impliquait pas que je finisse par tuer ce pauvre gamin à cause de ma soif.

L'énervement m'envahissait. Je n'avais pas pour habitude de buter contre de tels problèmes. Je soupirais longuement avant de regarder le loup puis Jacob. Ce dernier semblait réellement inquiet pour l'enfant. Inquiétude partagée.

Il fallait que je me nourrisse si je voulais arriver à sauver ce garçon. Mais le temps pressait et je savais pertinemment que si je partais maintenant, je ne reviendrais sûrement jamais, perdu dans la douleur de son départ. Mon regard noir et sévère se pose sur Jacob. Peut importaient les risques, je devais le sauver.

Vas me chercher du gibier, dis-je fermement alors que je commençais à m'approcher dangereusement de Nashoba. Fais vite, aussi vite que tu pourras. Je ne sais pas si je pourrais me contrôler...

Ma main s'approche du loup en souffrance. L'air glacial ne me gênait pas mais je savais qu'il pouvait être mortel à un sang chaud. Je haïssais mon impuissance actuelle et le fait que me chère et tendre ne soit pas là n'arrangeait pas les choses. J'étais plus nerveux et anxieux que jamais.

J'inspire profondément, saluant l'odeur désagréable de Jacob, odeur qui me permettait de ne pas succomber face à l'arôme du sang du garçon. Je m'agenouille devant l'hybride, paternel, et commence doucement à caresser sa tête. Le fait qu'il soit métamorphosé n'aidait en rien et je savais que j'aurais du mal à le sauver sous cette forme.

La dualité de mes sentiments me perdait en ce moment. Cette envie féroce de le tuer pour me repaitre de son sang et celle de le sauver car il n'était qu'un enfant, une victime. J'étais tiraillé entre deux instincts bien puissants. Tous les muscles de mon corps étaient contractés, mon regard était nerveux et affamé, mes gestes rapides et quelque peu brutaux malgré la volonté de douceur et de calme.

A nouveau, je pose mon regard sur Jacob. Le temps presse, tant pour moi que pour le gamin. D'ici quelques minutes je ne pourrais plus rien faire et il sera condamné à mourir.

Vas me chercher ce gibier, dis-je entre mes lèvres, agacé qu'il soit encore là.