Pas pareils, mais pas si différents...

Tout était calme aujourd'hui. Rien de tel pour pouvoir bouquiner en paix, loin des bruits de ces tas de ferraille, que les humains appelaient "voitures". J'étais bien, là, installée confortablement parmi un tapis de mousse. C'était tendre, doux, parfait pour lire pendant des heures. Et puis, faut se l'avouer, les odeurs du bois, de l'herbe couverte d'une légère rosée, et les bruits des animaux qui passaient et repassaient autour de moi sans prêter attention à ma petite personne... On aurait dit Blanche-Neige, ou une de ces petites princesse à la noix qui, dès qu'elles se mettaient à chanter, des petits oiseaux et des écureuils venaient l'accompagner, et l'aider à faire une tarte aux pommes. Pfeuh, nan mais c'était elle, la vraie tarte de l'histoire. Elle bouffe une pomme qu'une totale inconnue aux faux-airs de sorcière lui propose, et pouf, elle tombe dans les pommes. Et forcément, elle est sauvée par un prince.

Moi, j'avais déjà mes princes. Keelan et Akio, deux autres personnalités dans ma tête, étaient des garçons vraiment charmants. Même si Keelan avait son humaine, il était toujours aussi gentil avec moi. Faut dire qu'on se connaissait depuis super longtemps, alors quand il s'agissait d'être solidaires, on savait se serrer les coudes. Bref, j'étais perdue dans ma lecture, quand j'entendis un bruit qui détonnait des autres. Un bruit de pas, plus lourd que les autres, et une respiration. Je fermais illico mon bouquin, guettant autour de moi l'arrivée d'une quelconque personne. Mes prunelles dorées parcouraient les buissons, mais non, rien ne venait. Docile et gentille, je finis par laisser Akio prendre ma place. Il était plus jeune, alors plus fort et plus rapide que nous autres...


Elle m'avait laissé la place. Yes ! Je sentis alors mes lentilles se désintégrer. Tant pis. De toute façon, mes yeux étaient presque totalement doré, alors bon, qui verrait la différence ? Je me mis à courir, en direction de la piste. Sans doute un loup, quoique... L'odeur était étrange, un mélange entre les deux... Je sautais aisément devant la bête, qui était en effet un loup. Qui puait. Mais qui sentait aussi le vampire. Bizarre...

Salut, moi c'est Akio. T'es quoi au juste ? Tu sens deux odeurs.

Je n'étais pas menaçant, j'étais décontracté, et on lisait dans mes yeux du calme et une envie de le découvrir sans lui faire de mal.

Je me nomme Nashoba Black.

Je n'avais rien pu tirer de plus à ce... Jeune homme. Même pas sa race. Je n'en savais donc toujours rien, mais je comptais bien en apprendre plus. Écoutant les voix dans ma tête, je me mis alors à réfléchir. Il sentait à la fois le loup, comme il l'était quelques secondes auparavant, mais il sentait aussi le vampire. Une odeur pareille ne pouvait pas s'être seulement imprégnée de lui, mais elle faisait partie de cet être. Fronçant lentement les sourcils, je remarquais quelque chose d'étrange. Comme si il était amnésique, son regard trahissait une interrogation. Et puis, de toute façon, je m'en fichais un peu de ce qu'il se demandait. Finalement, posant mes mains sur mes hanches - geste qu'il m'arrivait de copier sur Yasmine - je repris la parole :

T'es un mélange ? Un genre d'hybride ?

Je sautais sur une branche basse, continuant de lui parler avec un réel intérêt dénué de désir de méchanceté :

Soit pas aussi tendu, Nashoba, je suis pas là pour te faire du mal, j'étais juste curieux, ton odeur m'a attiré.

Je laissais mon regard sur lui. Je ne savais pas quoi rajouter de plus, j'espérais quand même qu'il ne resterait pas coincé, parce que sinon... Qu'est-ce-qu'on allait se faire chier !

Le vent est parfois un piètre adversaire. Il apporte alors une odeur de sang, de sang humain. Ma gorge s'enflamme, j'ai envie d'aller planter mes crocs dans la personne. Mais non, les autres me retiennent, assez longtemps du moins pour que l'hybride vienne glacer mes pieds à l'arbre. Attendez, quoi ? Il a foutu un coup de pied dans l'arbre, et voilà que je suis glacé à l'écorce. Malheureusement pour lui, l'arbre va rejoindre le sol, s'écroulant dans un bruit terrifiant. La glace explose en morceaux, et me voilà de nouveau libre. Et seul. Merde, merde, si il était en partie vampire, il devait avoir senti cette odeur de sang. Alors je me mis à courir, suivant le mélange d'odeur. Je n'étais pas un pisteur, mais je retrouvais rapidement sa trace, et je m'y tenais. Les coeurs de plusieurs randonneurs me déroutèrent un peu, surtout qu'il semblait que l'odeur de sang se déplaçait vers eux, trop vite pour un humain.

Serait-il en train d'emmener la victime loin de moi ? Je pouvais me retenir, je devais le faire. Tout ce que je savais, c'est que quand j'arrivais dans un genre de clairière, le spectacle était abominable. Dans un fourré, plus ou moins bien caché, le cadavre d'un homme avait été vidé de son sang. Je sentais une autre odeur, mais elle n'était plus là. Et puis, au milieu de ce carnage, le corps de Nashoba gisait. Il avait encore les yeux ouverts, et il semblait se battre contre quelque chose. Quoi ? Je n'en savais rien, mais je m'approchais :

Jamais, je ne me laisserai faire..... jamais....

Il se redressa légèrement, et me regarda d'une telle sorte que j'hésitais un instant à m'approcher davantage. Cependant, je repris mon avancée vers lui. Mes deux mains tendues doucement en avant, mon regard orangé dans le sien, je lui montrais que je n'étais pas là comme un ennemi. D'une voix calme, posée, parfaitement maîtrisée, je me mis alors à lui parler, dans l'espoir qu'il m'écouterait :

S'il-te-plaît... Calme-toi. Je ne sais pas à qui tu parles, mais je n'y suis pour rien.

Je m'arrêtais d'avancer à quelques mètres de lui, peut-être trois ou quatre. Puis je reprenais, toujours avec la même façon de m'exprimer :

C'est toi qui a fait ça. Tu sens la même odeur que leur sang. Mais je t'ai entendu aller déposer l'autre victime près des randonneurs. Je suis sûr que si tu as tué cet homme, c'est qu'il y avait une bonne raison.

Je me mis lentement à reculer, allant m'asseoir à côté d'un arbre. J'espérais qu'il ne me sauterait pas dessus, parce que je serais dans le pétrin sinon. Je ne voulais pas me battre.

Nash n'est pas disponible pour le moment...

Mes yeux dorés se posent sur lui. Pourtant, je vous assure que c'est bien le même jeune homme qui se trouve face à moi. Alors comment est-ce possible que Nash soit indisponible ? Je fronçais les sourcils, avant qu'Emily ne suggère une idée. Le jeune homme face à moi reprit la parole, ironiquement :

Désolé pour toi mais je n'ai nullement l'attention que Nash ait des problèmes à causes de mes actes......

Cependant, alors que j'aurais dû avoir peur, essayer de fuir, enfin faire quelque chose quoi, je n'en ai rien fait. Non, au lieu d'essayer de sauver mes fesses, j'ai simplement laissée Emily prendre le contrôle.


Ah, enfin j'avais le droit de prendre le corps ! Je posais mes yeux dorés sur le jeune homme face à moi, dans le plus grand des calmes. L'idée que j'avais eue avait sans doute persuadé Keelan que c'était à moi de lui parler. Mais bref, je m'approchais calmement, sans faire de geste brusque ou quoi. Comme avec les animaux, vous savez, il y a certaines choses à ne pas faire. Là, c'était exactement la même chose. Je me plantais à quelques mètres de lui, trois tout au plus. Puis, tout doucement, je demandais :

Tu n'es pas Nashoba, hein ? Je suis Emily, une autre personnalité de Keelan. Nous sommes schizophrènes, et son don est de changer de corps en même temps de personnalité. Je ne suis pas là pour t'attirer des ennuis, je voudrais vous aider. On voudrait vous aider.

J'étais sincère, je voulais qu'ils réussissent à cohabiter de la même façon que moi avec les autres. Allait-il comprendre ?

Je ne suis pas celui que ton compagnon a rencontré il y a quelques temps, je n'ai pas vraiment de nom puisque c'est la première fois que je prends la place de force on va dire.... Tu peux m'appeler par notre nom d'assassin, Yoko Kurama...

Cette façon qu'il avait de parler de lui et de Nashoba comme s'ils étaient à la fois une personne, mais en même temps deux, c'était assez familier pour moi. Je parlais aussi comme ça des autres personnalités, donc c'était un peu comme si je me voyais en lui. Un doux sourire s'afficha sur mon visage, avant qu'il ne reprenne la parole pour me demander :

Pourquoi vous nous aideriez ? Pour quelle raison ?

Très bonne question, en effet... Mais j'avais plus d'un tour dans mon sac, comme on dit, et j'avais une réponse presque prête. Mais il reprit la parole :

De toute façon, Nash ignore ma présence et je ne sais vraiment pas comment lui faire comprendre qu'il doit m'accepter, car sans moi.....

Je m'approchais de lui, sans avoir peur. Ma main se tendit, attrapant la sienne. Je n'avais pas peur de ce qu'il pourrait me faire, parce que je montrais une simple honnêteté. Je n'avais pas pour projet de lui faire du mal, non, je souhaitais le voir aller mieux. Alors je répondis, avec un sourire et simplement :

Eh bien, Yoko, la seule raison pour laquelle je veux vous aider, c'est que je sais ce que vous traversez. C'est pas facile pour toi parce qu'il refuse de t'accepter, et c'est difficile pour lui parce que tu fais quand même partie de lui.

Je me tus une seconde, reprenant une légère distance avec lui, avant de terminer :

Les autres et moi, nous sommes comme vous. Ça a été difficile de trouver un équilibre, d'arrêter de nous battre. Mais on l'a fait. Et on le vit mieux. Et on veut que vous connaissiez aussi ça.

Je restais alors silencieuse.

C'est vraiment que j'aimerai bien qu'on trouve un certain équilibre même si c'est la seule fois que je prendrai place....... Je ne lui ferai jamais de mal, ni à ceux qui ont gagné sa confiance. Je suis "né " on a dire suite la mort de sa mère qui est morte sous ses yeux, il n'était pas capable à cette époque là, de survivre à ce qu'on lui faisait subir. Je reprentes une partie de son héritage qu'il n'a jamais accepté.... Comment compte tu t'y prendre pour nous aidez? Nash ne sera pas facile à convaincre.....

J'avais tout écouté, sans dire un mot. Je comprenais la détresse du vampire, je savais que cette situation n'était pas facile à vivre. Je m'approche de nouveau, sans le toucher. Je ne le crains pas, même si je connais son don. Je n'ai pas peur de lui, je sais que si je ne fais rien de mal, il ne me blessera pas. Sans doute par instinct, en fait j'avoue que je n'étais sûre de rien. Mais je me persuadais, tranquillement, que c'était la vérité. Si j'étais gentille avec lui, il n'aurait aucune raison de me faire du mal. Alors, avec calme et douceur, je plante mes yeux dans ceux du sanguinaire face à moi. Quelques secondes passent, rapidement, secondes durant lesquelles je réfléchis à comment les mettre d'accord. Finalement, un fin sourire s'affiche sur mes lèvres, et je déclare alors :

Ce serait une bonne chose de te trouver un nom, rien que pour toi. Que penses-tu de... Clay ? C'est bien, non ?

Sans attendre de réponse, j’enchaînais :

Il faudrait que tu permette à Nashoba de reprendre un peu de contrôle, mais pas totalement. Penses-tu pouvoir y arriver ?

J'avais besoin de parler aux deux parties de lui.

Pourquoi pas, jusqu'à présent, je ne trouvais pas l'inutilité puisque personne n'était au courant pour moi. Mais ça serai bien que j'en ai un,même si je n'ai plus l'attention de reprendre la place, une fois que Nash aura accepté ce qu'il est. Je préfère m'appeler Kyo, cela me correspond mieux. Tu n'as rien à crainte de nous, Emily, tant que tu ne représente pas une menace.

Il a au moins l'honnêteté de me dire ce qu'il pense, c'est plutôt sympathique. Même si je ressens, derrière ces mots, qu'il me menace légèrement. Si je deviens menaçante, alors il n'aura pas de pitié. Bon, en soi, cela tombe plutôt bien puisque je n'avais nullement le projet d'être menaçante pour lui. Au contraire, j'ai envie de l'aider à trouver la paix entre ses deux parties. Et vu que je suis schizophrène, je pense que j'ai la possibilité d'être utile pour eux deux. Je lui ai donc demandé de laisser Nashoba reprendre un peu de place, mais pas totalement. Cela sera, apparemment, plus compliqué que prévu puisqu'il ne sait pas comment faire. Je réfléchis un court instant, cherchant la meilleure façon de faire. Il pourrait se mettre à "somnoler", mais je doute que ce soit la meilleure solution. Je penche légèrement la tête, avant d'avoir une question qui surgit dans mon cerveau. Automatiquement, aussi honnête que lui, je pose alors ma question :

Est-ce-qu'il m'entend ?

Après tout, s'il m'entendait, je pourrais lui expliquer la situation.