Un mal pour un bien [pv Jacob et Nashoba]

Nashoba était sauf. Je lance un dernier regard sur le gamin avant de fébrilement m'avancer vers les escaliers. Pour la première fois, je suis assaillis par une immense fatigue. Serait-ce ma vue qui se trouble à l'instant ? Ainsi donc, le sang de loup est peut-être réellement mortel, ou en tout cas, dangereux pour nous. Mais celui de Nashoba a été affaibli par le venin du vampire...

C'est avec une certaine peine que je me hisse vers mon bureau. Malgré mon mal être évident, je tiens à garder un semblant de prestance, ainsi, je me fait violence pour ne pas m'écrouler devant ces enfants. Après tout, je reste une certaine figure paternelle de force et de bonté.
Mes forces m'abandonnent, je peine à voir devant moi. Jamais encore je n'avais éprouvé de telle faiblesse. J'étais censé être une créature immortelle, presque invincible, alors pourquoi en cet instant je me sentais aussi faible et démuni ? Surtout après m'être repu de pas moins de trois cervidés de belle taille.

Mon souffle se fait court bien que je n'ai en aucun cas besoin de respirer. J'use de mes dernières forces pour entrer dans mon antre tandis que l'impression de suer se fait de plus en plus grande. Tout mon être était envahit par un mal que je ne connaissais pas.

A peine eu-je eut le temps de m'engouffrer dans mon bureau que mes jambes se dérobèrent sous mon poids. Je vins trouver le sol avec fracas, toute la villa avait dû entendre. Mais peu m'importait, la douleur, une douleur presque similaire à celle du venin, m'envahissait. Cependant, elle était beaucoup moins forte. Avec difficulté, je me trainais sur le parquet, tentant de trouver un quelconque appui dans cette pièce aux meubles détruits.

Mon regard se pose sur un cadre échoué au sol. Je m'y approche lentement et douloureusement. Son visage apparaissait sous la glace, souriante, magnifique. Je pose une main sur ce portrait avant de finalement m'effondré, assailli par un poison inconnu, un poison qui pourrait très bien avoir raison de moi malgré le venin salvateur qui coulait dans mes veines.

Ainsi donc, c'est comme ça que j'allais mourir, seul, sans avoir pu la retrouver. Elle que j'ai abandonné, elle qui m'a quitté. Esmée, ma douce Esmée, revient...

Léger. Je me sentais si léger, comme balloté par des courants marins. Je dérivais sur cet océan infini, le regard sur ce ciel sans fin, sans couleur, sans saveur. Le monde n'était plus rien sans elle. Je n'étais plus rien si ce n'est une coquille vide. Ainsi donc, j'allais mourir, une seconde fois. Mais cette fois-ci sera la bonne.

J'irais rejoindre ce monde d'après vie qui existe pour tant de personnes. Ironique, n'est-ce pas ? Nous qui sommes considérez comme immortels ne sommes au final pas si différents des humains. Nous sommes fragiles pour qui sait trouver notre point faible. Et j'ai abandonné, j'ai abandonné toute envie de vivre, de survivre.

Plus rien ne compte à mes yeux. Cette famille est détruite, la femme de ma vie est partie et je suis seul, terriblement seul. Je n'ai plus aucune raison de vivre. J'ai échoué, oui, j'ai échoué dans cette vie tout comme dans ma précédente. Dieu m'eut offert deux vies, et je les ai toutes les deux gachées.
Moi, Carlisle Cullen, le médecin idolâtré, le père apprécié, le mari aimé, n'existe plus. J'abandonne, je ne suis pas fort. Je suis un lâche. Sans elle je ne suis rien.

Oui, je suis incapable de vivre sans toi, Esmée. Reviens moi, je t'en supplie...

Je dérive de plus belle. Que la houle de cet océan est agréable. Je me sens apaisé malgré les remords qui devraient m'assaillir. Je suis un lâche, j'ai abandonné tout le monde de façon égoïste. Mais comment puis-je résister sans pouvoir ? Sans force ? Je n'ai plus aucune volonté. Celle de vivre s'en est allée en même temps que ma douce Esmée.

Mes yeux étaient clos. A quoi bon voir ? Si c'est pour constater son absence ? Ainsi, je paraissais être mort. Et peut-être bien que je l'étais.

Le temps défilait. Les heures devinrent des jours et je revoyais ces moments heureux qui avaient fait ma seconde vie, cette vie que j'ai gâché.

Une délicieuse odeur m'attira soudainement.

Mon corps se mit à bouger sans que je le veuille. L'océan sur lequel je flottais paisiblement s'effaça tandis que je recouvrais la vue malgré moi.
Mon regard était fou, assoiffé. D'un geste brusque, j'attrapais cette délicieuse odeur qui provenait de cette poche. J'étais encore faible, si faible mais pas assez pour rester immobile. Je m'étais redressé, contemplant sans comprendre cette poche de sang qui m'attirait. Ce doux fumet envahissait mes narines, me rendant fou. Ce sang...

Je relève la tête pour regarder l'enfant en face de moi. Ce visage je le connais. Je l'ai déjà sauvé. Il était l'ami très précieux de ma belle fille mais également l'âme soeur de ma petite fille. Jacob. Tu viens de commettre la pire des erreurs. Je ne pourrais pas résister à ce sang éternellement et tu le sais.

J'ai retrouvé mes esprits momentanément mais voilà que je me sens de nouveau partir, envahis par cette douleur atroce qui parcourait mes veines. Mon poing se serre, faisant éclater la fragile poche de sang.
Cette odeur... Non... Non ! Je regarde ma main ensanglantée bouger toute seule vers mes lèvres. C'est lui, c'est lui qui contrôle mon corps. Ce monstre que j'avais enfouis depuis tant d'années.

Il a suffit d'une goutte, d'une seule goutte pour que je perde totalement la raison. C'est une hurlement bestial qui s'échappa de mes lèvres rougies par le sang que je venais d'embrasser. J'avais mal, si mal. J'étais perdu, désespéré, affamé et blessé. Comme si le sang que j'avais ingurgité quelques minutes avant s'était dissipé, se mêlant à ce sang empoisonné.

Je bougeais, étrangement vite pour une personne ainsi blessée, mais je ne me jetais pas sur Jacob, loin de là. C'est le monstre qui le toisa avant de prendre la fuite, brisant le peu qu'il restait de cette pièce. Un fracas assourdissant masqua le bruit d'un cadre qui s'échoue sur le sol et se brise. Je l'avais brisée, je l'avais perdue, une seconde fois.

Le vent vint me frapper de plein fouet. Je bougeais de façon instinctive, filant à travers les bois à la recherche de quelque chose. Seul le monstre le savais... Et j'étais ce monstre, cette affreuse créature, c'était moi. Je m'étais voilé la face durant tant d'années, étouffant ce côté bestial qui avait fini par ressurgir.

Je suis si faible.