Dans mes pensées, tout était encore tellement présent... Le marché conclus avec cette sanguinaire, Mina, dont je n'entendais plus parler. Mon magasin qui partait en fumée, tout mon travail... J'avais tout perdu, elle avait osé détruire tout ce que j'avais de plus beau. Je mettais toujours mon âme dans ce que je fabriquais, et elle avait tout brisé avec une seule allumette. Et puis, je me souvenais aussi de la douleur, ravageante, destructrice, de ses crocs qui s'enfonçaient dans mon cou. Je me rappelais parfaitement le venin qui circulait dans mon corps, détruisant tous mes tissus au passage pour en former d'autres, plus solides, moins humains. Je me rappelais ma course folle, entre les flammes qui pouvaient me détruire, pour sortir de l'enfer que représentait alors mon magasin. Je devais partir, fuir de cet endroit, sans rien pouvoir sauver, tout brûlait. J'avais retrouvé Mina dehors, et depuis, plus rien.
Comme si elle avait subitement décidé de disparaître, de m'abandonner à mon sort. Alors, bien entendu, cela n'avait pas été simple. J'avais dû apprendre seule à contrôler mes pulsions, à ne pas tuer sur un coup de tête, et c'était compliqué. Mais, peu à peu, j'apprenais. Pas à pas, j'avançais. Je me doutais que ce n'était pas une chose simple, que j'aurais déjà dans le sang. Non, je savais que je devrais toujours apprendre des choses, savoir, et c'était assez compliqué. Mais, dans tout ce foutoir que représentait désormais ma vie d'immortelle - ou presque - je savais qu'il y avait une personne sur qui je pourrais compter. Pas Damon, non, en réalité, je préférais l'éviter. Le temps que ça se tasse, que je parvienne à me contrôler, et puis j'avais peur qu'il me rejette. Non, la personne sur qui je m'appuyais, c'était une des seules à me connaître sur le bout des ongles. Pierre.
Je le voyais comme un confident, un frère. Je l'aimais plus que mes autres amis, et je savais qu'il serait le seul à pouvoir m'aider. Je le voyais régulièrement, avant ma transformation. Mais depuis les quelques jours où j'étais devenue une vampire, je n'osais pas lui demander de me voir. Et si, lui aussi, était effrayé de la situation ? Je ne savais pas vraiment, en fait... J'avais beau le connaître parfaitement, je ne savais pas quelle serait sa réaction. Enfin, je savais qu'il en était un aussi, donc cela ne devrait pas se passer de façon négative. Enfin, j'espérais simplement qu'il saurait apaiser mes doutes, mes peurs. Et puis, au besoin, il pourrait peut-être m'aider à me contrôler, qui sait ? Bref, l'idée de le revoir me trottait dans la tête depuis quelques jours. Mais je n'arrivais pas à me décider, était-ce une bonne chose ? Devais-je suivre mon coeur, et oublier ma raison ? Aucune idée...
Et finalement, en me levant ce matin, j'avais décidé qu'il était temps que je me bouge les fesses. Au pire, qu'est-ce-que je risquais à le revoir ? Je ne pouvais pas redevenir humaine, donc impossible de faire marche arrière. Et puis, lui qui était comme moi depuis deux ans, il pourrait peut-être me dire comment je devais agir en société, me donner des conseils, m'épauler... J'ignorais ce que je pouvais lui demander, je n'avais pas le droit de monopoliser son temps libre. Il avait déjà l'orphelinat à gérer, si je venais et que je lui demandais trop d'aide, est-ce-que ce ne serait pas égoïste et injuste de ma part ? Certes, j'avais été là quand il était jeune, je le soutenais depuis toujours, mais était-ce une bonne solution de lui demander autant d'aide ? Je ne savais pas, mais il fallait que je fasse quelque chose, que j'agisse, avant qu'il ne s'inquiète de ne plus avoir de nouvelles de moi.
Du coup, en sortant de mes pensées - qui avaient occupée toute ma nuit - je décidais de faire quelque chose. Je m'étais d'abord changée, troquant ma tenue décontractée - un t-shirt blanc et un jean noir - contre quelque chose de plus habillé. J'avais choisi de porter une robe, faite par mes soins, que je n'avais plus mis depuis un moment. C'était une pièce unique, que je gardais pour mon usage personnel. Elle était extraordinaire, car j'avais usé d'un sort pour la rendre fabuleuse. Elle changeait de couleur selon l'humeur de celui qui la portait. Et quand elle n'était pas portée, elle était simplement blanche. Dès que je l'enfilais, elle se colora de rose, couleur de la joie et de la gaieté. Parfait, alors, maintenant, je fonçais dans la salle de bain pour me préparer. Je me fis deux tresses africaines, une de chaque côté de ma tête. Cela dégageait mon visage, et me sublimait encore plus.
Puis ce fut au tour de ma face d'être torturée. Un peu de fard à paupières, noir bien entendu, ainsi qu'un coup de crayon et de mascara. Cela mettait en valeur mon regard, transperçant, et je n'en étais que plus belle. Ensuite, je mettais un léger gloss assez clair sur mes lèvres. Lorsqu'on maquille les yeux, on ne doit pas maquiller les lèvres, mais j'avoue que je faisais cela surtout pour ne pas avoir l'air trop malade. J'hésitais à mettre des lentilles de couleur, pour qu'il ne se doute de rien, mais mon odeur me trahirait. Alors j'abandonnais cette idée. Finalement, après m'être regardée dans le miroir - et m'être trouvée ravissante - je prenais mon téléphone. Mes doigts tapotèrent quelques secondes sur mon clavier, pour écrire un texto à Pierre :
Coucou, désolée de ne pas avoir donné de nouvelles... Si tu peux, viens à mon appartement aujourd'hui. Je voudrais te parler. Bisous.
Je le verrouillais ensuite, avant de faire un brin de ménage. C'était surtout pour enlever les quelques poussières qui avaient élu domicile sur mes bouquins. Puis je sentis mon téléphone vibrer, et un mince sourire s'afficha sur mon visage quand je vis qu'il viendrait aujourd'hui. Parfait, je pourrais lui parler un peu. Je faisais alors un saut chez le commençant du coin, allant acheter une bouteille de whisky, et une de coca. L'alcool ne nous faisait rien, on était jamais bourré, alors autant en profiter un peu. Je rentrais chez moi, il n'était même pas midi. Je posais donc les bouteilles sur la table basse, avant de sortir deux verres. Puis, une fois tout cela fait, je posais mes mains sur mes hanches, attendant que mon ami arrive. Je sentais qu'une légère angoisse montait en moi, j'avais peur de sa réaction. Lui qui m'avait toujours connue en sorcière, comment réagirait-il en me voyant vampire ?