Que le calvaire commence...

Ce fut si rapide. Les portes se refermèrent sur eux et avec elles se brisa l’espoir comme un verre de cristal s’étalant sur le sol dans une flaque de lumière et de pluie coupante.
Anéantie, Alice comprit que la prison qui s’ouvrait à elle l’enfermerait pour de bon de l’antre du mal même. Là où toutes les plus ignobles bassesses étaient permises, où l’enfer en comparaison était paisible comme un été, où les êtres n’avaient pour respect que la peur et pour désir que la souffrance, le pouvoir…
Perdue, elle laissa son regard se perdre dans l’immense hall, sombre et glacial, tandis que pour la première fois depuis sa transformation, des milliers de frissons s’imprimèrent sur sa peau lunaire. Une tristesse immense s’abattit en elle, lui voilant tout espoir. Si elle avait été forte en entrant, elle réalisait désormais ce que signifiait son sacrifice. Et désormais, son endurance fondait comme neige au soleil.
La vie qu’elle s’était bâtie, son semblant d’humanité s’était envolé derrière cette porte. Restant quelque part, accroché aux visages de sa famille, dans les yeux de son époux…
Le reflexe de respirer, ce réflexe la-même qu’elle entretenait depuis des lustres, s’évapora instantanément. Elle était rigide comme un monceau de pierre, froide et dure comme la roche, droite comme un if. Tout en elle était figé.
Puis, le cri de Bella, lui parvenant comme un lancinant poignard déchirant lentement sa chair de la nuque à la taille, remua des sensations qu’elles croyaient perdues à jamais. Son corps sembla reprendre quelques degrés, s’accordant à l’horreur, s’intimant d’exister. Comment ne pas retourner dehors ? Comment ne pas hurler à son tour ?
La vision de sa nièce, le corps désincarné, le visage tuméfié la hantait plus sûrement que le reste. Et bien qu’elle fut éloignée de Jacob et de Nessie, elle ne trouvait pas la force en elle de fouiller le futur. Elle était brisée.
Edward à ses côtés, raide à l’instar de sa sœur, perdue soudainement constance. Lentement, ses genoux s’affaissèrent et il se laissa couler sur le sol.
Il n’existait que pour Bella. Sans elle il n’était rien. Comment survivrait-il ?

Alice se pencha. Saisit la main de son frère et plongea ses yeux dans les siens. Le caramel brillant d’Edward qui remplissait ses prunelles délicates semblait avoir fondu. Il était vide. Jamais elle ne l’avait vu dans un tel état.
Et cette image lui fut si violente et brisante, qu’elle s’imagina sombrer à son tour. Pourtant, elle ne le pouvait. Elle se refusait de s’accorder à sa souffrance. Se refusait même d’y songer davantage.
Elle devait lutter. Mais désormais que le pouvoir soulageant de Jasper n’agissait plus sur elle, elle n’avait plus la force de maintenir le menton si haut. Aro ignorait sûrement ce dont était capable son mari. L’aurait-il su qu’il aurait sûrement désiré le posséder aussi. Et les aurait torturés l’un devant l’autre avec un immense plaisir. Mais Jasper était en sécurité. Et il serait reparti depuis longtemps quand Aro toucherait Alice pour connaitre la moindre de ses pensées. Pénétrer dans son esprit, lui arracher le moindre de ses souvenirs, tout savoir d’elle… Comme un viol…
Elle essaya de retrouver la force d’exister. Depuis toujours elle se battait pour sa famille. Une fois de plus, ils seraient sa raison d’avancer, ou de faire semblant.
Elle tira sur le bras de son frère.

*Ne leur fait pas ce plaisir Edward, bat toi, pour Bella, pour Nessie, pour la famille, bat toi pour moi…*

Aro se délectait avec ravissement du départ pathétique de cette haïssable famille Cullen... Les ombres de ces piteux êtres inférieurs ne devinrent rapidement plus qu'un point presque invisible au milieu du brouillard oppressant... Aussitôt, Aro fit volte-face et traversa le grand couloir de l'entrée. Soudain ses yeux se posèrent sur la plus belle féérie qu'il aurait pu espérer admirer en ce jour bénit. Il battit prestement des paupières afin de vérifier la véracité de sa prodigieuse vision et réalisant alors l'offrande sacrée qu'il était en train de mirer, il s'abandonna à un plaisir des plus malsains. Edward Cullen était posé à genoux, le visage meurtri dans ses mains et geignant du funeste sort dont il était victime. Aro ne pouvait plus rester immobile un seul instant. Jamais un tel sentiment de joie n'avait empli ainsi son être. Chaque parcelle de son corps se retrouvait émoustillée face à tant d'allégresse. Le fort et robuste Edward Cullen s'était plié... Aro Volturi avait réussi à le faire flancher... Ne pouvant se résoudre à rester inactif plus longtemps, Aro accourut aussitôt avec toute la vélocité dont il était capable près de ce pitoyable être en détresse. Il se retrouva en un bref instant à ses côtés. Il ferma alors les yeux, inspira profondément, et une fois fin prêt, se prépara à assister au plus doux et délectable spectacle qu'il était possible de visionner. Il leva alors la paume de sa main et, précautionneusement, la posa sur l'épaule de son nouveau compère. Subitement, toutes les plus belles images défilèrent devant ses yeux. Ce sentiment d'atroce supplice était d'une fraicheur sans pareil. La douleur inqualifiable que ce végétarien endurait était la plus douce sensation qu'Aro eut connue au cours de sa longue existence... Il avait réussi. Il avait séparé à jamais deux âmes sœurs avec la plus fine des cruautés... Il nageait en plein extase. Aro aurait désiré ne jamais interrompre ces images ravissantes mais cette damnée Alice Cullen chuchota ces mots répulsifs et dégoutants... Comment osait-elle le réconforter ? Comment osait-elle vouloir interrompre son délice visuel ? Le venin d'Aro ne fit qu'un tour et aussitôt, sa main jaillit promptement pour s'abattre sur l'enfantine extralucide la laissant retomber à terre. Aro se positionna alors face à elle, la toisant de toute sa hauteur, et articula :

- C'est moi qui fixe les règles désormais.

Son regard furieux était toujours planté dans celui d'Alice. Il poursuivit sur un ton sévère et impitoyable :

- Il vous est désormais interdit de communiquer sans mon autorisation.

Il se tourna alors rapidement vers Edward afin de bien lui faire imprimer cette menace puis il se retourna de nouveau vers la sibylle et lui dit d'un air nonchalant :

- Tu seras puni pour cet affront.

Aussitôt, Aro reprit son air joyeux et resplendissant. Ce jour heureux était l'un des plus prestigieux de son existence. Plein d'entrain, il claqua alors des mains tout en annonçant :

- Visitons le manoir !

Il ordonna alors à ses deux nouveaux serviteurs de le suivre, et ensemble ils parcoururent les diverses majestueuses salles de la demeure.
Ils empruntèrent finalement le couloir réservé aux membres honorifiques de la garde Volturi et Aro s'arrêta devant la porte d'une chambre jointive à celle de sa chère et fiable Heidi... Il gratifia alors Alice de son sourire le plus sadique et lui annonça :

- Voici ta chambre...

Il laissa aussitôt défiler dans son esprit toutes les qualités exquises que possédait sa voisine de chambre afin de torturer encore davantage ce cher Edward... Une chose était certaine, sa sœur ne ressortirait pas indemne de son séjour au manoir...
Aro abandonna alors Alice dans sa nouvelle résidence afin de se retrouver seul avec l'être de ses plus grands désirs, l'être qu'il attendait depuis ces si longues années : Edward Cullen. A la vue de ses prunelles dorés, Aro afficha un sourire des plus heureux. Il l'avait enfin. Edward lui appartenait totalement et il allait en jouir pleinement. Il le guida vers le couloir réservé aux trois grands leaders du clan Volturi et s'arrêta devant sa chambre. Sa propre chambre qu'il partageait avec son épouse Sulpicia.

- Voici la tienne...

Aro affichait son sourire le plus mesquin. Toutes ses idées perverses et malsaines bouillonnaient dans son esprit. Il vrilla son regard sanglant dans celui d'Edward et expliqua aussitôt sur un ton ferme et sans appel :

- Désormais, tu ne me quitteras plus. Mes actes seront tes actes. Mes pas seront tes pas. Mes activités seront les tiennes. Je veux constamment garder ton contact quelles que soient les circonstances.

Aro ne put réprimer un ricanement des plus glacial. Il n'aurait désormais plus besoin d'un lien physique pour contrôler les moindres pensées de ses subalternes... Grâce à son nouveau jouet, il pourrait profiter de toutes les imaginations grouillant dans le manoir et ce quelle que soit sa position dans la demeure. Aro jubilait. Cela faisait tant de temps qu'il attendait ce moment... Son pouvoir serait sans limite... Et le meilleur était qu'il garderait ainsi pour divertissement journalier les pensées désespérées de son cher compatriote... Aro laissa raisonner son rire lugubre dans tout le hall. Il avait gagné. Il reprit aussitôt son sérieux et quémanda de sa voix grave et sinistre : .

- Me suis-je bien fait comprendre Edward ?

Il sentit alors une présence familière, Alice, elle paraissait si forte tel un roc à l'épreuve du temps, elle semblait imperturbable, il l'admirait pour cela et l'enviait même, lui n'était plus que pâle reflet de lui-même, fantôme errant sur l'asphalte, son cœur lui ayant été arraché par le plus vil des bourreaux. Comme s'il n'éprouvait pas assez de peine et de difficulté à surmonter la douloureuse épreuve qu'il était en train de vivre, Aro s'en délectait, cet intrusion qu'il fit dans le but de pouvoir se nourrir de ses émotions était en tout comparable à une sangsue, à un écœurant ténia, vous grignotant peu à peu jusqu'à ne plus rien laisser. Sa détresse fut telle que sa sœur ne put s'empêcher de vouloir l'aider, d'une parole bienveillante elle crut bien faire mais c'était sans compter la bassesse de leur hôte, ce qu'il fit, outrageusement honteux, il le payerait qu'il en soit certain. Edward savait qu'il ne pouvait réagir sous peine de se voir exécuter à l'instant même, c'était donc de cette façon qu'il voulait prendre en main leur emprisonnement, Aro ne voulait que soumission et se complaisait dans le malheur de son prochain et bien il allait être servi.
Edward se releva, le regard de nouveau fier et éclairci grâce à de nouvelles résolutions, plus rien ne le fera plier et puis tout mal acquis ne profite jamais et cela Aro allait bientôt le découvrir. Comment ce dernier pouvait arborer tel visage, on aurait dit un enfant le matin de Noël découvrant ses cadeaux au pied du sapin, était-il tout simplement puéril ? Il était à la tête d'une des familles les plus influentes et puissantes au monde et il se comportait en dégénéré capricieux, Edward s'imaginait même le voir taper des pieds lorsqu'il n'avait pas ce qu'il désirait. Tout bonnement pitoyable, aucune fierté...Il suffisait de le regarder pour s'en apercevoir, il sautillait littéralement comme une sauterelle l 'été approchant, son sourire s'étant fendu jusqu'aux oreilles et comble du ridicule comme une cerise gâtée que l'on aurait mise sur un gâteau il claquait des mains. Edward s'arrêta et arqua un sourcil, le personnage presque clownesque qui leur faisait face était vraiment Aro Volturi qui devait avoisiner les 3000 ans ? A croire que la sénilité n'atteignait pas que les humains. Ils arpentaient le manoir pour rejoindre leurs quartiers aux dires de leur « hôte ». Mais arrivé à destination Edward perdit son sourire et son air moqueur, la chambre d'Alice était voisine à celle : d'Heidi. Il avait lu dans son esprit quelques années auparavant et Aro ne fit que renforcer son opinion en lui montrant une sélection d'évènements où entrait en scène ce monstre. Alice allait, en effet, devoir affronter la démence de cette aliénée et Edward ne savait absolument pas comment lui venir en aide, tout ce qu'il espérait c'était qu'elle trouve un stratagème pour lui échapper. Sa soeur les avait quitté, le laissant en seule compagnie du pervers et ils poursuivirent leur marche tout en se demandant l'endroit qui l'attendait lui. Edward suivait les pensées d'Aro, apparemment ils approchaient des appartements royaux et se trouvaient à présent devant la chambre de son guide mais il ne saisissait toujours pas la finalité de tout ceci. Mais quand la phrase fut prononcée il en resta pantois, il allait devoir le suivre à jamais, où qu'il aille quoiqu'il fasse ? En plus d'être emprisonné, d'être privé de toute liberté, il allait devoir subir sans arrêt aucun les plus vils mesquineries de ce dernier. Edward regardait Aro avec un ai indéfinissable, mélange de dégoût, de répulsion et de crainte. Non pas crainte pour son intégrité physique, cela il le savait il n'y couperait pas mais crainte pour sa santé mentale car devoir chaque jour, chaque heure, chaque infime moment, suivre le fil des insanités de ce détraqué allait être avilissant sans aucun doute.
D'un premier abord il n'avait entendu sa question, entendant encore résonner les rires de celui lui faisant face puis il reprit contenance, il se l'était juré, il ne se laisserait plus jamais rabaisser de telle sorte. Il voulait un Edward taciturne et pleurnichant, qu'il espère car il ne lui fera plus ce plaisir. Il souria et répondit.

- Bien entendu, ce sera même avec plaisir mais ne serait-il pas encore mieux de me mettre une laisse ?

La donne était lancée, le jeu en marche, Aro voulait jouer et bien Edward allait devenir un adversaire des plus redoutables. La quiétude qui pouvait régner sur le manoir des Volturi allait se transformer en cauchemard et lui en serait l'instrument.